Europa
Ausbeutung in der Landwirtschaft
Covid-19, Italie
11.06.2020 - Dominique Dunglas, Envoyé spécial à Sabaudia
Italie et travail clandestin
Sur les terres de la mozarella, le drame des ouvriers agricoles surexploités
Reportage dans l’Agro pontino, où les «braccianti», travailleurs immigrés employés dans la production laitière et les champs, sont réduits à un état proche de l’esclavage.
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Les carabiniers ont retrouvé Gill Singh pratiquement inanimé dans un fossé non loin de Sabaudia, élégante station balnéaire de l’Agro pontino, à une centaine de km au sud de Rome, le 22 mars dernier. Blessé à la tête et présentant plusieurs fractures, l’Indien de religion sikh a raconté dans son italien maladroit que c’était son employeur qui l’avait réduit ainsi. «J’ai demandé un masque et des gants pour continuer à charger et décharger les cageots de fruits pendant l’épidémie de Codiv-19. Le patron m’a dit: puisque c’est comme ça, je te licencie. Quand je lui ai demandé de me payer les jours travaillés, il a commencé à me tabasser.»
«Quand
je lui ai demandé de me payer les jours travaillés, il
a commencé à me tabasser»
Gill Singh est l’un des 30’000 Sikhs travaillant comme ouvrier agricole à
la journée, «bracciante» selon la terminologie italienne, dans ce potager
de l’Europe. Le marché de gros de Fondi est en effet le second
d’Europe et les légumes, fruits, fleurs ou produits laitiers, comme les
fameuses mozzarelles de buffle, de l’Agro pontino finissent sur les
tables suisses, françaises ou allemandes. Parfois au prix de la mort
des braccianti Sikhs réduits à un état proche de l’esclavage.
Un turban entre le bleu et le violet sur la tête, une barbe longue et
lisse savamment retenue sous le menton par un élastique, le regard fier et
rieur à la fois, l’accent chantant du Pendjab: Arpajan semble sorti
d’un roman de Rudyard Kipling. Mais cet ancien de la communauté sikh
arrivé en Italie en 2003 et qui a osé briser l’omerta entourant le sort
des braccianti indiens n’est pas aujourd’hui d’humeur à rire.
Le
rêve tourne au cauchemar
Samedi dernier, Joldan Singh, l’un d’entre eux, s’est suicidé à 24 ans.
Les parents et amis de Joldan sont réunis à Bella Fernia Mar, un ensemble
touristique aujourd’hui proche de l’abandon où les immigrés louent un
lit pour 300 ou 400 € par mois. De leur récit, Arpajan raconte le destin
de Jolban. «Il était arrivé du Pendjab en Italie il y a plusieurs années.
Il avait payé 8000 € à une organisation de trafiquants d’êtres
humains pour le voyage et un permis de séjour provisoire. Toute sa famille
s’était endettée pour financer ce voyage vers l’Europe. Mais son
rêve a tourné au cauchemar. Il trouvé un travail à 500 € par mois
mais ces revenus ne lui permettaient pas d’avoir un permis de
travail (ndlr: la loi italienne exige un revenu de 9000 € par an pour
délivrer un permis de travail), et depuis neuf mois il était
devenu clandestin. La pandémie lui a retiré son dernier travail au
noir. Il n’a pas voulu revenir au pays comme un perdant.» Jolban a préféré
se pendre entre les plâtres délabrés de l’escalier du Bella Fernia
Mar. C’est le treizième suicide de bracciante sikh
dans l’Agro pontino depuis trois ans…
«Une fois l’immigré devenu illégal et alors qu’il ne parle pas
l’italien, ils peuvent ainsi baisser son salaire de 5 € l’heure
à 1,5 €. Ils préfèrent les illégaux qui sont sans défense,
corvéables à souhait et plus soumis» - Marco Omizzolo,
sociologue à l’institut de recherche Eurispes
Sociologue à l’institut de recherche Eurispes qui s’est enrôlé
comme bracciante pour pénétrer les rouages de cet esclavagisme
moderne, auteur de «Sotto padrone», ouvrage de référence sur le
thème, plusieurs fois intimidé par la mafia et désormais protégé par
la police, Marco Omizzolo est le défenseur des immigrés sikhs. «Il faut
distinguer les entrepreneurs honnêtes, il y en a, des «patrons», dit-il.
Les patrons ne déclarent pas toutes les heures travaillées pour frauder
les charges sociales et empêchent les ouvriers de conserver leur permis
de séjour. Une fois l’immigré devenu illégal et alors qu’il ne parle
pas l’italien, ils peuvent ainsi baisser son salaire de 5 € l’heure à 1,5
€. Ils préfèrent les illégaux qui sont sans défense, corvéables à souhait
et plus soumis.»
Nourri
de déchets
Sans défense, comme l’était Kuldip. Lorsque la police l’a découvert en
2017, il vivait emprisonné depuis huit ans dans une roulotte de 4 mètres
sur 2. Son patron, qui lui avait confisqué son passeport, ne le
libérait que pour le faire travailler quatorze heures par jour, 365 jours
par an. Il le nourrissait de déchets et Kuldip partageait l’eau des
buffles dont il s’occupait pour la production de mozzarelles.
Le procès du patron de Kuldip est en cours.
Des conditions de travail que certains braccianti ne supportent
que grâce aux drogues. L’opium de très basse qualité, ce qu’il reste des
graines de pavot après l’extraction de l’héroïne, et la
méthamphétamine circulent désormais dans la communauté sikh
malgré les règles très strictes de sa religion. «Ces
drogues addictives ne font pas «planer» mais aident à supporter les
journées de travail sans fin et plié en deux pour la récolte des légumes,
le mal au dos, le froid de l’hiver ou la chaleur de l’été, le
désespoir, affirme Marco Omizzolo. Et elles ne rentrent pas dans les
exploitations sans l’accord du patron.»
Dégoûté par cette évocation, Arpajan lève les yeux au ciel. Mais il a
gardé une bonne nouvelle pour la fin: «Les Indiens ont compris: l’Italie
n’est pas un bon pays pour travailler. Mes frères sont de moins
en moins nombreux à venir.»
Pressemitteilung zum 1. Mai
La Coodination européenne de La Via Campesina exige que des mesures urgentes soient prises pour pallier à la situation de plus en plus grave des travailleur·euse·s ruraux dans le contexte du COVID-19
En ce 1er mai, nous célébrons la Journée internationale des travailleur·euse·s dans un contexte unique et extraordinaire. Dans les zones rurales de toute l'Europe, la crise générée par la pandémie de COVID-19 aggrave la situation pourtant déjà difficile des travailleur·euse·s agricoles et mi-grant·e·s. C'est pourquoi, conjointement avec nombre d'organisations de producteurs alimentaires et autres organisations alliées, ECVC a envoyé une lettre ouverte aux institutions européennes, dé-nonçant les conditions des travailleur·euse·s agricoles et migrant·e·s en Europe, réclamant qu’une liste de mesures urgentes et nécessaires soient prises pour les travailleur·euse·s ruraux dans le cadre de la pandémie de COVID-19.
Les membres d'ECVC constatent qu'aujourd'hui, en Europe, les intérêts économiques des grandes en-treprises de production et de commercialisation prévalent sur la santé et les droits fondamentaux des travailleur·euse·s ruraux et migrant·e·s.
En plus de la vulnérabilité structurelle et de la précarité sévères qu'il·elle·s connaissaient avant la crise, ces travailleur·euse·s font désormais face à de nouvelles discriminations et difficultés. En effet, on observe un manque de matériel de protection type masques ou équipements préventifs sur le lieu de travail, une absence de mesures de contrôle nécessaires telles que les tests, conditions d’hygiène à respecter, la sécurité de transport et les distances à respecter entre les personnes : tout cela s’ajoute à des conditions de travail déjà stressantes et sous pression permanente. En outre, ce sont les travail-leur·euse·s migrant·e·s qui voient le plus leurs droits bafoués en raison de la discrimination que génère leur statut de migrant.
Face à cette situation, ECVC et toutes les organisations signataires de la lettre ouverte ne peuvent accepter que la poursuite de la production alimentaire pendant la pandémie se fasse au détriment de la santé, des droits et de la dignité des travailleur·euse·s ruraux et migrant·e·s.
Conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), ECVC et ses alliés exigent que des mesures immédiates et à court terme soient prises, notamment des mesures liées au logement et aux produits de première nécessité, ou encore à l'aide d'urgence et à la protection sanitaire sur le lieu de travail, afin de garantir la santé, le bien-être et les droits humains fondamentaux de ces personnes. En outre, les États membres et les institutions doivent travailler ensemble à la création de politiques publiques cohérentes à moyen et long terme, y compris à une réforme de la PAC qui inclue la conditionnalité sociale. Ces politiques doivent viser à éradiquer les barrières et les obstacles auxquels les travailleur·euse·s migrant·e·s et saisonniers sont confrontés depuis longtemps, et ainsi ouvrir la voie à un système alimentaire plus équitable, plus durable et plus juste.
À l’occasion de cette célébration du 1er mai, ECVC souhaite inviter tou·te·s les citoyen·ne·s de l'UE à repenser nos sociétés en nous basant sur un modèle socio-économique, agraire, alimentaire et culturel fondamentalement différent, un modèle qui prend racine dans les droits humains et la durabilité de la planète, et dans lequel l'intégration, le respect et le rôle des travailleur·euse·s ruraux et mi-grant·e·s sont fondamentaux.
Soumaila Sacko
COMMUNIQUE DE PRESSE
Tous unis avec USB et la lutte des travailleurs ruraux migrants
à la lumière du meurtre de Soumaila Sacko
Bruxelles, le 4 juin 2018 - C'est avec une grande tristesse et indignation que ECVC et son membre italien ARI, ont appris aujourd'hui le meurtre de Soumaila Sacko, militant de l'USB (Union Sindicale de Base) et travailleur saisonnier agricole des Plaines de Rosarno/Gioia Tauro.
Soumaila, un migrant malien de 29 ans, a reçu une balle dans la tête samedi soir dans le quartier de la Calimera de San Calogero, près de Rosarno (Reggio de Calabre), tout en cherchant avec deux autres compatriotes des plaques pour leurs cabanes. Tous les trois vivaient dans la zone du village de tentes de San Ferdinando, qui abrite d'autres journaliers travaillant dans les champs de la plaine de Gioia Tauro, qui peut rassembler plus de 4,000 travailleurs migrants pendant la saison des récoltes. Utilisés comme main d'œuvre dans la collecte d'agrumes à bas prix auprès des producteurs d'oranges, de clémentines et de kiwis, la plupart de ces travailleurs journaliers migrants sont concentrés à San Ferdinando, où persistent de graves carences sanitaires.
ECVC et ARI se joignent et réitèrent l'appel à la grève et la convocation des assemblées publiques annoncées par USB pour aujourd'hui, 4 juin, pour tous les travailleurs journaliers de la région. Le meurtre de Soumaila Sacko n'est pas un meurtre au hasard. Soumaila a toujours été au premier rang dans les luttes du syndicat USB et pour les droits sociaux des travailleurs. Nous sommes sérieusement inquiets que le contexte politique actuel de l'Italie, avec les déclarations de son ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, disant aux migrants de "faire leurs valises" et que "la partie est finie", ne serve qu'à inciter et à promouvoir ces actes horribles.
La dure réalité vécue par les travailleurs agricoles saisonniers migrants doit être dévoilée et abordée de toute urgence : leur exploitation, leur répression et l'instigation par le modèle agro-industriel, en relation directe avec les politiques agricoles et néolibérales actuelles de l'UE. Nous sommes conscients que pour ceux qui ont désespérément besoin de travailler, abandonner une journée de travail représente un énorme sacrifice, mais nous sommes plus que convaincus que le moment est venu de croiser les bras et d'arrêter la production dans les Plaines de Rosarno.
Avec nos camarades d'USB et notre membre italien ARI, dans les condoléances profondes de la famille Soumaila, nous ne permettrons pas que la doctrine raciste de l'Italie et de l’Europe ait le dernier mot.
Contacts: Fabrizio Garbarino – ARI (Associazione Rurale Italiana) : +39 331 90 92 823 (IT, FR, ES) ; Federico Pacheco – Comité de coordination d’ECVC: +34 690 651 046 (ES,FR) ; Nino Quaranta – ARI (Associazione Rurale Italiana) : +39 329 10 57 495 (IT, FR)
WoZ, Tomaten in Italien
Ein Artikel der WoZ des 24. August 2017