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Covid-19, Espagne, Maroc
Le coût amer des fruits : la galère des ouvrières au Maroc et en Espagne face au Covid-19
10 juin 2020 - Chadia Arab, Géographe, chargée de recherche au CNRS, UMR ESO, Université d'Angers
Zhour Bouzidi, Enseignante chercheure en sociologie, University Moulay Ismail Meknes
La crise économique et sanitaire qui frappe l’Europe aujourd’hui a mis en lumière l’importance de la main-d’œuvre étrangère qui est au centre des circuits alimentaires aujourd’hui mondialisés. En France, le gouvernement a appelé les personnes au chômage à prendre part à l’effort agricole pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre due à la crise, au travers de la plate-forme « des bras pour ton assiette ».
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Cette initiative rappelle qu’en temps ordinaire, la plupart
des travaux agricoles sont rendus par des saisonniers d’origine étrangère,
des travailleurs essentiels, qui restent pourtant invisibilisés.
Malgré la crise, ces derniers ont été particulièrement sollicités. Ainsi,
en Angleterre, ce sont près de 200 Roumains qui ont été convoqués et
transportés par charter pour travailler dans les champs où plus de 90
% des travailleurs sont d’origine étrangère. En Italie, deux voyages aériens
ont été organisés les 19 et 20 mai pour faire venir 248 ouvriers
saisonniers marocains sollicités par des entreprises agricoles
italiennes entre L’Aquila et Vincence.
Nos enquêtes menées dans la province de Huelva, au sud-ouest
de l’Espagne, montrent que les fraises sont perçues comme une
manne financière surnommée « l’or rouge », s’inscrivant dans cette
mondialisation de l’économie. Parmi ces saisonnier·e·s, nombreuses sont
les ouvrières agricoles d’origine marocaine. Leur activité témoigne plus
généralement de l’invisibilité et de la précarité qui touchent en
particulier les femmes saisonnières. Leur situation face à la crise du
Covid-19 nous interpelle fortement.
Au Maroc, où nous avons également travaillé, l’état d’urgence a été
annoncé dès le 20 mars, incluant un confinement strict, un couvre-feu de
19h à 5h du matin et la suspension des vols internationaux, déjà à l’arrêt
depuis le 13 mars. Les effets et les mesures imposées par le contexte
pandémique ainsi que la crise économique qui en découle ont également
touché les travailleuses et les travailleurs agricoles au Maroc, catégorie
sévèrement affectée par la raréfaction de l’offre d’emploi.
De la double à la triple peine : pauvres, femmes
et parfois migrantes
Il s’agit très souvent, à la base, de femmes pauvres et précaires, qui
sont dans l’obligation de travailler pour subvenir aux besoins de leur
famille. Nos enquêtes sur les saisonnières marocaines en
Espagne et les ouvrières agricoles dans les régions du
Gharb et de Fès-Meknès au Maroc ont montré qu’elles sont originaires
de milieux modestes. Souvent analphabètes, peu scolarisées, beaucoup
d’entre elles sont aussi dans des situations familiales complexes avec des
enfants à charge (veuves, divorcées et parfois mères célibataires).
Les dames de fraises de Huelva sont recrutées directement au Maroc (via
le ministère de l’Emploi et l’Agence nationale de promotion de l’emploi et
des compétences, ANAPEC), après les remontées en besoin de
main-d’œuvre par les employeurs agricoles en Espagne.
Les entretiens de terrain ont révélé que trois critères sont retenus : être
une femme entre 25 et 40 ans, mère (elles doivent avoir au moins un enfant
de moins de 18 ans, pour être sûr qu’elles rentrent chez elles au Maroc
et lutter contre la migration clandestine), avoir une expérience agricole,
être précaire.
L’un des responsables de l’ANAPEC explique ainsi
:
« Plus les critères s’accumulent, mieux c’est. Par exemple, on préfère une
femme avec trois enfants à une femme avec un enfant. Il y a aussi des
doubles critères : enfants de moins de 14 ans car à partir de 15 ans
l’enfant peut travailler. On prend en priorité les régions sinistrées : on
choisit selon la carte de la pauvreté. Mais ce sont les gouverneurs qui
ont le dernier mot. C’est le gouverneur qui choisit les communes. »
Des choix qui s’inscrivent dans une politique migratoire européenne
sécuritaire
Ces choix discriminants se rattachent à deux programmes financés
par l’Union européenne via des subventions adressées aux pays
tiers afin d’assurer une meilleure gestion des flux migratoires. Entre
2007 et 2011, l’un sur « la gestion éthique de l’immigration saisonnière
», puis sur le « Système pour la mobilité des flux migratoires des
travailleurs dans la province de Huelva ». Cette migration circulaire
s’est depuis poursuivie chaque année, avec ces mêmes conditions, avec des
chiffres qui oscillent entre 2 500 Marocaines pendant les années de crise,
à 19 000 en 2019. La situation socio-économique de ces femmes motive leur
aspiration à changer leur destin en s’orientant vers la migration
saisonnière en Europe.
Au Maroc, à l’exception des ouvrier·e·s travaillant dans des
grands domaines agricoles modernes et capitalistes, la majorité d’entre
elles et eux ne sont pas déclarés et n’ont pas accès aux droits sociaux
les plus élémentaires (protection sociale, retraite, assurance
maladie, accompagnement en cas d’accidents, etc.).
Cette catégorie sociale marginale est pourtant centrale dans la production agricole,
dans l’approvisionnement alimentaire du pays voire parfois dans les
systèmes de production capitalistes, mondialisés et peu respectueux de
l’environnement. Cette précarisation s’accentue visiblement quand il
s’agit des femmes ouvrières.
Des violences physiques et
symboliques fréquentes
Le choix du recrutement de ces femmes s’appuie sur leur docilité,
leur patience et un salaire journalier entre 6 et 10 euros la journée
(pour les dames de fraises, il est d’environ 37 euros par jour), très souvent
moins élevé que celui des hommes. Ce revenu maigre et irrégulier
s’apparente à un salaire de survie. En effet, des familles entières et
parfois nombreuses attendent ce gagne-pain de l’ouvrière.
Le transport au Maroc est peu sécurisé, surchargé, en mauvais
état mécanique et du coup dangereux pour se rendre au travail, avec
des accidents graves et parfois mortels pendant le trajet. De
plus, ces femmes sont plus sujettes que les hommes à l’exploitation et aux
violences de manière générale. Violence économique certes, mais d’autres
formes de violence s’ajoutent. Celles des violences sexuelles ne sont pas
négligeables, que ce soit au Maroc ou en Espagne. Ainsi, dès 2010, des
journalistes d’El Pais avaient révélé le harcèlement sexuel dont
sont victimes ces femmes dans la région de Huelva.
Ces ouvrières se voyaient parfois contraintes d’accepter des
rapports sexuels contre le travail et la rémunération.
Depuis ces enquêtes, les faits de harcèlement sexuel perdurent.
Peu organisées et peu syndiquées, les femmes ont peur de contester ou
de se structurer pour organiser la résistance. Celles qui ont eu le
courage de porter plainte en 2018 contre leur employeur pour
agressions sexuelles et harcèlement au travail ont subi une double peine :
la stigmatisation et l’exclusion de leur milieu social au Maroc, sans pour
autant avoir accès à une régularisation en Espagne selon les déclarations
de nos enquêtées.
Pourquoi tout risquer ?
Au Maroc, l’offre de l’emploi agricole se raréfie, à cause de la
sécheresse, particulièrement importante en cette année 2020, aggravée par
les mesures de confinement liées à la pandémie, astreignant ainsi les
ouvrier·e·s à explorer leurs réseaux de travail et de connaissances dans
l’espoir de décrocher une journée de travail de plus en plus rare et
inaccessible.
D’ordinaire, les ouvrier·e·s journalier·e·s arrivent très tôt le matin
au mouquef, lieu d’attente et de rassemblement de la main-d’œuvre
dans l’espoir d’être choisis par un employeur. En contexte de pandémie,
cet espace est désormais contrôlé par les gendarmes et les autorités
publiques. De plus, des restrictions ont été mises en œuvre pour contrôler
les véhicules agricoles habituellement surchargés.
En conséquence, des mesures restrictives et donc de la raréfaction
de l’emploi, les salaires des journalier·e·s précaires ont encore baissé
pendant la pandémie passant d’environ 100 dirhams (environ 9 euros)
pour certaines tâches agricoles à 70 dirhams (environ 6 euros 50).
Certaines d’entre elles vivent des aides octroyées par l’État marocain
dans le cadre du fonds de solidarité Covid-19 qui varient entre 800
dirhams (73 euros) pour une famille de deux membres et 1200 dirhams (109
euros) pour une famille de plus de quatre membres.
D’autres ouvrières tâchent difficilement d’investir de nouvelles
activités pour nourrir leur famille et subvenir à leurs besoins quotidiens
: vente de produits de nettoyage, de pain et galettes en période de
ramadan, etc. Certaines, dont les difficultés financières se sont
aggravées, ont rejoint leur famille dans leur région d’origine pour
solliciter la solidarité familiale pour survivre dans ces moments de
crise.
Quel futur pour ces ouvrières ?
En Espagne, la situation est différente. L’année dernière, près de 20
000 "dames de fraises" ont participé à la récolte dans la
province de Huelva. Pour la saison actuelle, seules 7 000 parmi les 16 600
qui ont obtenu des contrats temporaires sont présentes dans la province de
Huelva. Les autres n’ont pas pu regagner les exploitations de fraises
espagnoles à cause de l’arrêt des transports internationaux.
Du fait de la pénurie de main-d’œuvre agricole en Europe, ces 7
000 saisonnières travaillent aujourd’hui « d’arrache-main » dans les
champs de fraises. Leur contrat risque d’être prolongé pour combler les
lacunes en matière de main-d’œuvre agricole en Espagne. Jusqu’à présent,
les employeurs ont encouragé les femmes à cueillir les fraises sans
protection pour ne pas fragiliser ce fruit délicat, au risque d’abîmer
leurs mains et leur santé. Aujourd’hui, face au contexte de crise
sanitaire, on peut s’interroger sur la question de la distanciation
physique dans des serres où la chaleur est forte, mais aussi sur la
promiscuité importante, sur les conditions de transport et sur le respect
des gestes barrières tels que le port du masque et des gants.
Au Maroc par exemple, un cluster de contamination de 17 ouvrières dans les
exploitations de production de fraises a été identifié le 8 juin dans
la province de Kénitra.
Dans quelques mois, quelle sera la possibilité de retour de ces femmes
chez elles ? Le Maroc n’a jusqu’ici pas repris les vols internationaux et
les liaisons maritimes. Qu’en sera-t-il du statut de ces femmes, une fois
leur contrat périmé ? Quelle priorité leur sera accordée parmi les
milliers de Marocain·e·s bloqué·e·s à l’étranger ? L’union des petits
agriculteurs et éleveurs de Huelva (UPA) propose de mettre en place
un couloir humanitaire afin que ces femmes puissent rentrer chez
elles à l’image du rapatriement réussi des ouvrières roumaines et
bulgares.
Celui-ci paraît d’autant plus nécessaire que certaines de ces femmes
ont laissé derrière elles des enfants parfois sans tuteur, sans
moyens économiques suffisants et exposés en plus de la crise
sanitaire à la lourde crise socio-économique qui se profile au Maroc.
Face à cette crise sanitaire et humanitaire, quelles sont les
dispositions pour venir en aide à ces femmes oubliées ? En filigrane se
pose la question du goût amer de ce coût du travail, de cette
crise, du coût de la vie, voire de la survie de ces femmes.
Covid-19 France
10 juin 2020 - Antoine Pécoud, Professeur de sociologie, Université Sorbonne Paris Nord – USPC
Agriculture : les migrants saisonniers récoltent ce qu le Covid-19 a semé
En France, on estime que dans le secteur agricole, 80 % de la main-d’œuvre est étrangère. Pour la période 2018-2019, cela représente 270 000 saisonniers, qui se concentrent dans les Bouches-du-Rhône, le Lot-et-Garonne, le Vaucluse et l’Hérault, et qui sont originaires du Maroc, de la Tunisie et de certains pays européens comme la Roumanie ou la Pologne.
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La fermeture des frontières engendrée par la crise sanitaire du Covid-19 a mis en évidence l’importance des migrations de travail saisonnières. Dans l’ensemble du monde occidental, les exploitants agricoles ont fait face à d’importants problèmes de main-d’œuvre, qui ont mis en péril non seulement leur propre santé financière, mais aussi l’approvisionnement des populations en produits agricoles. La réouverture progressive des frontières est l’occasion de revenir sur les enjeux d’ordinaire peu visibles que cette crise a soudainement révélés.
Les migrations saisonnières : une nécessité
pour les agriculteurs en Europe
Premier constat, la main-d’œuvre est à certains égards une marchandise comme
une autre. Dans une économie mondialisée, elle circule intensément d’un
pays à un autre et doit faire preuve de la même rapidité et de la même
flexibilité que celles qui caractérisent la mobilité des matières premières,
des technologies ou des produits manufacturés. Pour reprendre un exemple
fourni par l’OCDE, personne ne s’étonne qu’un smartphone soit
assemblé en Chine avec une conception graphique en provenance des
États-Unis, un code informatique élaboré en France, des puces électroniques
venues de Singapour et des métaux extraits en Bolivie.
Alors que les besoins en main-d’œuvre sont importants pour les vendanges,
certains migrants profitent d’un travail saisonnier où l’on embauche
facilement. On estime que plus de 300 000 offres d’emploi ne sont
pas pourvues en France, par manque de main-d’œuvre.
Toutes proportions gardées, les asperges ou les fraises
requièrent également une logistique transnationale complexe. Des
travailleurs de différentes régions du monde doivent être acheminés à temps
pour la récolte, leurs papiers doivent être en règle pour qu’ils puissent
franchir les frontières, ils doivent être logés et nourris, puis
re-transportés dans leur pays d’origine – et tout cela de la manière la
plus fluide possible, pour éviter tout surcoût.
Second constat, à l’heure où les États occidentaux, à l’instar de
l’Allemagne ou du Royaume-Uni post-Brexit, réforment leurs politiques
d’admission des étrangers pour attirer une immigration « choisie » et
qualifiée dans le but de favoriser l’innovation et la croissance, la
main-d’œuvre non qualifiée reste absolument essentielle – même dans les
économies les plus avancées. Celle-ci demeure cependant largement
invisible et, dans un contexte où l’immigration fait pourtant l’objet de débats
vigoureux et souvent polémiques, semble passer complètement sous les
radars.
La réalité des emplois saisonniers pour
les étrangers
Troisième constat, si l’on ne débat pas directement de
l’immigration saisonnière dans l’agriculture, cette dernière est pourtant
le reflet de transformations devenues aujourd’hui sensibles et contestées.
À titre d’exemple, le besoin de main-d’œuvre est d’autant plus important
que les pratiques agricoles sont intensives et spécialisées. En retour,
la disponibilité d’une main-d’œuvre étrangère et bon marché constitue
une incitation à intensifier encore la production.
L’agriculture a de tout temps été une activité saisonnière et requiert
donc logiquement une main-d’œuvre mobile et flexible en fonction des
saisons. Mais cette logique en apparence naturelle est largement amplifiée
par des stratégies destinées à accroître la productivité agricole,
lesquelles sont de plus en plus contestées – qu’il s’agisse de leurs
effets en termes de santé, de l’usage de pesticides, ou des conséquences
en termes de « malbouffe » et d’hygiène alimentaire.
Si le recrutement et les contrats des ouvriers non européens sont
en principe contrôlés par l’Office français de l’immigration et de
l’intégration (OFII), l’emploi non déclaré est également fréquent, de même
que les violations du droit du travail : heures supplémentaires non
rémunérées, normes sanitaires non respectées, etc. Beaucoup de saisonniers
reviennent chaque année et sont donc tributaires du bon-vouloir des
employeurs de les réengager – une situation évidemment propice aux abus.
On conçoit donc que la fermeture des frontières ait profondément
ébranlé ce modèle, surtout que l’épidémie de Covid-19 a sévi entre mars et
mai 2020, soit lors d’une période de récolte. En Europe, les États
ont rapidement pris la mesure du problème et ont élaboré des
stratégies globalement assez convergentes.
Quelles solutions pour les travailleurs
saisonniers en temps de Covid-19 ?
Une première stratégie consiste à déroger à la fermeture des frontières et
à autoriser la mobilité des saisonniers. La Commission européenne a
ainsi recommandé de considérer cette main-d’œuvre comme des «
travailleurs exerçant des professions critiques », ce qui autorise leur libre
circulation au sein de l’UE.
C’est ainsi qu’en Grande-Bretagne et en Allemagne, le contrôle
des frontières a été assoupli pour permettre à des travailleurs roumains
de venir travailler. À mesure que les frontières ouvrent à nouveau,
la mobilité des saisonniers européens va donc s’intensifier, même si elle
soulève des risques sanitaires, qui sont encore accrus par les conditions
de vie des saisonniers, caractérisés par une grande promiscuité, non
seulement dans le travail, mais aussi dans l’hébergement, lors des repas, etc.
Mais cette solution ne concerne que les seuls Européens, alors que
le secteur est également dépendant d’une main-d’œuvre non
européenne. Une seconde solution consiste donc à remplacer les saisonniers
par des locaux. En France, c’était l’objectif de la plate-forme « Des
bras pour ton assiette », qui ambitionnait de recruter des Français rendus
inactifs par le confinement avec un slogan très simple : « Pas besoin d’un
bac+5, vos deux bras suffisent ! ». D’autres pays ont eu la même idée :
l’Allemagne avec « Das Land hilft » (le pays aide), ou le Royaume-Uni
avec « Pick for Britain » et « Feed the Nation ». Ces
initiatives ont parfois ciblé des publics spécifiques : en Italie par
exemple, la ministre de l’Agriculture a proposé de recruter des chômeurs.
Saisonniers pendant la pandémie :
des propositions non réalistes et critiquées
Si ces initiatives ont suscité un certain engouement, elles butent
cependant sur l’inexpérience des nouvelles recrues et la pénibilité des
tâches proposées. C’est là un obstacle logique, puisque le recours à la
main-d’œuvre étrangère serait inutile si les emplois concernés étaient
attractifs. Par ailleurs, à mesure que les volontaires retrouvent leurs
activités pré-confinement, cette source de main-d’œuvre va se tarir.
Une troisième option consiste alors à intervenir au niveau des
politiques migratoires afin de rendre disponible une main-d’œuvre qui ne
l’était pas auparavant. Il en va ainsi de la régularisation des
sans-papiers : en Italie, 200 000 sans-papiers ont été régularisés pour
faciliter leur accès au marché du travail, soit la régularisation la
plus importante depuis dix ans. Il est aussi possible d’employer davantage
les étrangers déjà présents : en Italie et en Allemagne, le séjour
temporaire des travailleurs étrangers a été prolongé de plusieurs mois
pour leur permettre de rester dans le pays et de continuer à travailler.
Mais l’option la plus contestée est sans doute de mettre les
requérants d’asile au travail. Dans l’attente du traitement de leur
demande, ces derniers sont en effet dans l’impossibilité de travailler, une
situation d’attente qui parfois s’éternise et s’avère déstabilisante.
En France, quelques dizaines de requérants d’asile se sont portés
volontaires en Seine-et-Marne à la suite d’un appel de la préfecture, mais
l’initiative a été critiquée.
La crainte était qu’en étant entièrement dépendants des pouvoirs
publics, les requérants d’asile ne soient pas en situation de choisir
librement d’aller travailler – sans compter qu’ils ne sont pas
nécessairement mieux qualifiés que d’autres pour ces emplois. Des initiatives
du même genre ont aussi été observées en Belgique et
en Allemagne.
Les inégalités de travail des saisonniers
étrangers soulevées par la pandémie
Il convient de se souvenir que derrière chaque saisonnier il y a
une communauté qui en dépend : nombre de ces travailleurs font des
allers-retours pendant toute leur vie et subviennent ainsi aux besoins de
leur famille. À cet égard, les situations les plus préoccupantes sont à
chercher du côté des pays d’origine, où cette chute des revenus n’est
que rarement compensée par des systèmes de protection sociale
effective.
Comme le rappelle l’Organisation internationale du travail, les
travailleurs migrants saisonniers sont donc parmi les travailleurs les
plus vulnérables et, si un retour à la normale soulageait les exploitants,
il ne résoudrait pas les nombreux problèmes – de salaire, de droit du
travail ou de protection des travailleurs – que posent les dispositifs
actuels. Mais le Covid-19 aura permis d’éclairer ces questions qui, bien
que directement corrélées à notre alimentation, ne figurent que rarement
sur l’agenda politique.
Travailleurs et travailleuses agricoles à la peine !
étude comparative de 9 cantons suisses (2000-2018)
Plateforme pour une agriculture socialement durable
Gilles BOURQUIN & Jan CHIARELLI, Historiens
et une très belle introduction d'Anne-Catherine Menétrey-Savary, ancienne Conseillère nationale
Communiqué de presse ECVC pour le 1er mai
La Coodination européenne de La Via Campesina exige que des mesures urgentes soient prises pour pallier à la situation de plus en plus grave des travailleur·euse·s ruraux dans le contexte du COVID-19
En ce 1er mai, nous célébrons la Journée internationale des travailleur·euse·s dans un contexte unique et extraordinaire. Dans les zones rurales de toute l'Europe, la crise générée par la pandémie de COVID-19 aggrave la situation pourtant déjà difficile des travailleur·euse·s agricoles et mi-grant·e·s. C'est pourquoi, conjointement avec nombre d'organisations de producteurs alimentaires et autres organisations alliées, ECVC a envoyé une lettre ouverte aux institutions européennes, dé-nonçant les conditions des travailleur·euse·s agricoles et migrant·e·s en Europe, réclamant qu’une liste de mesures urgentes et nécessaires soient prises pour les travailleur·euse·s ruraux dans le cadre de la pandémie de COVID-19.
Les membres d'ECVC constatent qu'aujourd'hui, en Europe, les intérêts économiques des grandes en-treprises de production et de commercialisation prévalent sur la santé et les droits fondamentaux des travailleur·euse·s ruraux et migrant·e·s.
En plus de la vulnérabilité structurelle et de la précarité sévères qu'il·elle·s connaissaient avant la crise, ces travailleur·euse·s font désormais face à de nouvelles discriminations et difficultés. En effet, on observe un manque de matériel de protection type masques ou équipements préventifs sur le lieu de travail, une absence de mesures de contrôle nécessaires telles que les tests, conditions d’hygiène à respecter, la sécurité de transport et les distances à respecter entre les personnes : tout cela s’ajoute à des conditions de travail déjà stressantes et sous pression permanente. En outre, ce sont les travail-leur·euse·s migrant·e·s qui voient le plus leurs droits bafoués en raison de la discrimination que génère leur statut de migrant.
Face à cette situation, ECVC et toutes les organisations signataires de la lettre ouverte ne peuvent accepter que la poursuite de la production alimentaire pendant la pandémie se fasse au détriment de la santé, des droits et de la dignité des travailleur·euse·s ruraux et migrant·e·s.
Conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·ne·s et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP), ECVC et ses alliés exigent que des mesures immédiates et à court terme soient prises, notamment des mesures liées au logement et aux produits de première nécessité, ou encore à l'aide d'urgence et à la protection sanitaire sur le lieu de travail, afin de garantir la santé, le bien-être et les droits humains fondamentaux de ces personnes. En outre, les États membres et les institutions doivent travailler ensemble à la création de politiques publiques cohérentes à moyen et long terme, y compris à une réforme de la PAC qui inclue la conditionnalité sociale. Ces politiques doivent viser à éradiquer les barrières et les obstacles auxquels les travailleur·euse·s migrant·e·s et saisonniers sont confrontés depuis longtemps, et ainsi ouvrir la voie à un système alimentaire plus équitable, plus durable et plus juste.
À l’occasion de cette célébration du 1er mai, ECVC souhaite inviter tou·te·s les citoyen·ne·s de l'UE à repenser nos sociétés en nous basant sur un modèle socio-économique, agraire, alimentaire et culturel fondamentalement différent, un modèle qui prend racine dans les droits humains et la durabilité de la planète, et dans lequel l'intégration, le respect et le rôle des travailleur·euse·s ruraux et mi-grant·e·s sont fondamentaux.
Covid-19 et agriculture suisse
AGRICULTURE
Le travail agricole en temps de
COVID-19, "secteur crucial" et précaire
A la mi-mars, face à la crise du COVID-19, aux mesures d'urgence prises par les gouvernements, et la fermeture des frontières entre les pays européens, les agriculteurs et agricultrices ont lancé un appel à l'aide massif. Se pose alors la question de savoir qui va récolter les légumes et faire tout le travail éreintant que les travailleur·euses agricoles étranger·es font normalement pour des salaires de misère et dans des conditions de vie et de travail précaires.
On
estime que le nombre de travailleur·euses agricoles manquants est énorme: en
Italie, on estime qu'ils et elles sont environ 370.000, en France 200.000, en
Espagne de 100.000 à 150.0001. Cependant, les débats et les évolutions
que l'on peut observer actuellement montrent que dans cette crise, en tant que
société, nous ne nous posons que partiellement les questions vraiment
fondamentales et ne tirons pas de leçons pour l'avenir. Au lieu de mettre en
place des mesures durables contre la précarité des personnes travaillant dans
l'agriculture, on procède plutôt à des interventions ponctuelles et à
l'application de pansements de fortune. Cette fois encore, nous constatons
combien la façon dont nous produisons les aliments aujourd'hui est basée sur un
"mode de vie impérial"2 qui exploite non seulement la
nature mais aussi les êtres humains. Dans les lignes qui suivent, nous en
ferons la démonstration en prenant l'exemple de la Suisse.
Le marché du travail mondialisé paralysé
Soudainement, ils et elles se sont retrouvé·es au centre de l'attention, ceux et celles qui habituellement restent caché·es, bien qu'ils et elles soient les principaux acteurs de l'arrivée des légumes régionaux dans nos assiettes: les quelque 30.000 travailleur·euses étranger·es "non familiaux" qui parcourent chaque année des milliers de kilomètres depuis la Roumanie, la Pologne, la Hongrie ou le Portugal pour venir travailler quelques mois dans les champs suisses. Ils et elles reviennent souvent dans les mêmes fermes et, grâce à leurs réseaux informels et à leurs contacts familiaux ou de proximité, fournissent aux agriculteur·trices locaux une main-d'œuvre "fraîche" fiable. De nombreux médias ont déjà souligné à quel point les travailleur·euses agricoles étranger·es sont "indispensables" pour l'agriculture suisse. Néanmoins, les préoccupations de leurs employeur·euses suisses et l'inquiétude concernant les asperges et les fraises suisses fraîches dans les rayons des supermarchés ont toujours prévalu, alors que la situation précaire des employé·es n'a pratiquement jamais été problématisée. Un agriculteur de Thurgovie a déclaré: "En ce moment, il nous est certainement utile que les ouvriers chargés de la récolte qui sont chez nous ne puissent pas prendre leurs congés comme prévu, car ils devraient être mis en quarantaine pendant 14 jours s'ils se rendaient en Pologne"3. Un autre agriculteur rapporte qu'il a rappelé "ses" ouvriers agricoles de Roumanie lors de la fermeture annoncée des frontières et leur a demandé de faire le déplacement "immédiatement". Ils sont arrivés à la ferme 22 heures plus tard4. Il n'est fait aucune mention des risques sanitaires qu'ils encourent tant en voyage (souvent dans des bus exigus) qu'en Suisse. De même, les inquiétudes concernant leurs proches laissé·es dans leur pays d'origine pendant le confinement sont passées sous silence. L'essentiel étant d'assurer un approvisionnement à flux tendu en main-d'œuvre bon marché.
A
présent que ce marché du travail mondialisé est paralysé simultanément dans
plusieurs pays, on peut se demander si l'approvisionnement en tomates,
aubergines et fraises fraîches dans les mois à venir pourra être simplement résolu
par des importations de l'étranger et une production "délocalisée" –
comme c'est généralement le cas. Normalement, des pays comme l'Italie et
l'Espagne servent de "sites de production" bon marché en Europe – ici
aussi, sur le dos des travailleur·euses agricoles étranger·es. Un pays comme la
Suisse, qui a un taux d'autosuffisance d'environ 60 %5, tire profit de la sous-traitance d'une partie
importante de son approvisionnement alimentaire à de telles installations de
production axées sur l'exportation. Mais en raison de la crise sanitaire
actuelle, il y a une pénurie de travailleur·euses agricoles partout, y compris
dans ces pays exportateurs. On prévoit déjà qu'en Italie, par exemple, les légumes
et les fruits risquent de "pourrir"6.
"Secteur crucial", mon œil!
La crise du Corona a clarifié la question des activités essentielles pour notre société. Ainsi, l'approvisionnement stable en denrées alimentaires est maintenant classé comme "secteur crucial". L'agriculture y joue un rôle tout aussi central que la transformation, la logistique et la vente au détail. Ceci est particulièrement remarquable dans la mesure où les activités de l'industrie agricole et alimentaire n'étaient pas tenues en très haute estime par la société dans l'ère post-Corona. Il devient évident qu'il existe un décalage entre l'importance sociale de ce travail et la pratique malheureusement répandue de l'exploitation des travailleur·euses migrant·es dans le secteur. Une pratique que l'on retrouve aussi chez les aides-soignant·es.
"Ce ne sont pas les
travailleur·euses agricoles qui manquent dans les champs, mais de bonnes
conditions de travail et un bon salaire à la hauteur de ce dur labeur", déclare la militante Sonia Mélo
de Sezonieri, lors d'une campagne pour les droits des travailleur·euses agricoles en Autriche.
Il en va de même pour la Suisse: les salaires sont bas et les temps de travail
sont extrêmement longs. Dans le canton de Berne, par exemple, le salaire brut
actuel des saisonnier·es est de 3.330 CHF pour une semaine de travail de 55
heures. La situation au regard du droit du travail est précaire, en partie
parce que l'agriculture n'est pas soumise au code du travail. Outre
l'insuffisance de protection juridique, on constate aussi que, faute de maîtriser
la langue, les saisonnier·es ont souvent une connaissance insuffisante de leur
contrat de travail et de leurs droits réels. De ce fait, ils et elles n'ont pas
la possibilité de faire valoir activement ces droits. Cette précarité se
manifeste également dans le domaine de la santé: nombre d'entre eux et elles ne
savent pas qu'une assurance maladie et accident les protégerait et leur
assurerait une sécurité financière en cas de maladie ou d'accident. Ils et
elles ignorent également leur droit de consulter un médecin sans risquer de
perdre leur salaire. Ce manque d'information est d'autant plus criant en période
de Corona. Il prouve que la Confédération et les cantons doivent impérativement
prendre des mesures afin de leur garantir l'accès aux soins médicaux. Il
conviendrait donc de renforcer les contrôles afin de garantir des mesures de
protection sanitaire adéquates dans les exploitations agricoles, tant sur le
lieu de travail que dans les logements.
"Allez dans les champs et aidez les agriculteurs!"
Et maintenant? Ils recherchent désespérément des remplaçants – l'accent étant de plus en plus mis sur le "potentiel interne national" dans le recrutement de la main-d'œuvre. C'est une tendance que l'on pouvait déjà observer dans le sillage de l'initiative dite d'immigration massive de l'Union populaire suisse en 2014, lorsque des appels ont été lancés pour que l'on ait davantage recours aux réfugié·es dans les fermes suisses. A cette époque, un projet pilote du Secrétariat d'Etat aux migrations et de l'Union suisse des paysans a créé l' "apprentissage des réfugié·es", un dispositif destiné à attirer davantage de réfugié·es et de personnes provisoirement admises sur le territoire vers des travaux agricoles (avec un succès plutôt modéré). Aujourd'hui, le "potentiel interne national" est abordé de manière beaucoup plus large. Au vu des difficultés qu'ont les travailleur·euses saisonnier·es à venir, même le conseiller fédéral Guy Parmelin a déclaré dans une interview: "Je fais appel à tous ceux qui cherchent du travail: allez dans les champs et aidez les agriculteurs"7. Il s'agit d'activer les ressources de main-d'œuvre "inexploitées": la demande de mobilisation de personnes vivant en Suisse et ayant une "disponibilité" pour le travail agricole est forte. Elle est largement évoquée dans les médias, et sous un angle positif. Les personnes bénéficiant d'une allocation de chômage ou d'une aide sociale, les réfugié·es et les étudiant·es sont identifié·es comme potentiellement aptes. Ces groupes de personnes sont aussi souvent présentés comme étant ceux qui dépendent de l'Etat et, surtout, des finances publiques. Sous couvert de "solidarité" et de "sécurité alimentaire" nationales, ces personnes sont désormais censées fournir leur contribution à la société, c'est-à-dire reprendre le travail éreintant des travailleur·euses agricoles.
A nous le travail de la terre!
Une
coalition active d'entrepreneurs, d'associations agricoles et gastronomiques
s'est rapidement réunie pour contribuer à la mise en place d'un modèle d'économie
de marché dans l'agriculture, comme c'est déjà le cas pour de nombreux autres
secteurs. Pour ce faire, il s'agit de mobiliser des travailleur·euses intérimaires
supplémentaires. L'agence de recrutement "Coople", par exemple,
promet de "prêter" aux agriculteur·trices, pour une certaine période,
des personnes qui ne sont plus employées dans la restauration. Selon ses
propres déclarations, l'entreprise est devenue "la plus grande plate-forme européenne de solutions flexibles en matière
de personnel". Elle embauche environ 300.000 personnes au titre de
personnel intérimaire pour quelques 15.000 entreprises dans les secteurs "de la restauration, de l'hôtellerie, du
commerce de détail, de l'aviation, de la logistique, des événements et de la
promotion et du commerce"8. Sa devise est: "De la cuisine du restaurant au champ de poireaux"9. Outre la question de savoir
dans quelle mesure un nouveau modèle de travail précaire émerge ici, certain·es
agriculteur·trices doutent également que les personnes ainsi recrutées dans
d'autres secteurs feront leurs preuves. L'Association suisse des agriculteurs déclare
pour sa part: "Dans le cas des
nouveaux travailleur·euses agricoles suisses, il faut garder à l'esprit qu'ils
et elles ne sont peut-être pas habitué·es au dur travail physique et qu'ils et
elles devront peut-être se relayer plus souvent"10.
Vers un futur pérenne
En revanche, et dans des conditions complètement différentes, certain·es, principalement des jeunes, rejoignent des exploitations agricoles qui se sont inscrites sur le réseau de solidarité de la plate-forme "Agriculture d'avenir"11. Le fait que tant de volontaires se soient inscrit·es est un signe d'espoir et montre combien de personnes motivées sont intéressées et souhaitent travailler dans l'agriculture. Cela permet également de créer de nouvelles structures et de rapprocher les producteur·trices des consommateur·trices, comme on peut déjà l'observer dans de nombreux projets d'AMAP. Mais là aussi, on peut se demander si les travailleur·euses agricoles étranger·es manquant·es peuvent être remplacé·es aussi facilement. Les récoltes exigent un savoir-faire professionnel, de l'expérience et surtout de l'endurance physique. Les bénévoles qui se portent volontaires pour les travaux de récolte en période de Corona en feront probablement l'expérience eux-mêmes.
La solution évidente – a ugmenter les salaires et améliorer les conditions de travail lorsqu'elles sont trop peu attrayantes – n'a guère été proposée sur la place publique. La crise du COVID-19 risque d'exacerber les inégalités existantes et l'exploitation des personnes et de la nature. Pourtant, elle a également la possibilité de rendre plus évidente la pertinence du travail dans l'agriculture ainsi que la valeur de notre alimentation. Le moment est venu non seulement de parler d'une autre agriculture, mais également de la consolider concrètement. Nous avons besoin de systèmes alimentaires plus démocratiques, plus équitables et plus écologiques. Des systèmes qui s'engagent en faveur de la souveraineté alimentaire et de l'agroécologie. Une valorisation croissante de l'agriculture ne change pas encore la situation. Mais ce pourrait être un début de changement de la politique agricole. Il s'agirait de faire du travail dans l'agriculture un travail digne et agréable.
Dans le prochain numéro d'"Archipel", nous analyserons plus en détail si de nouveaux modèles de recrutement et de nouvelles formes d'emploi (par exemple via la société "Coople") s'établissent dans l'agriculture suisse à la suite de la crise de COVID-19. Nous mettrons en lumière les expériences de et avec des "volontaires" solidaires dans les champs suisses et nous nous interrogerons sur les perspectives d'une agriculture socialement durable au-delà de la période post-Corona.
Johanna Herrigel, Sarah Schilliger, Ariane Zangger, Silva Lieberherr*
* Les autrices, qui abordent également l'agriculture dans leurs travaux scientifiques, ont toutes participé à la préparation de la conférence "Résistance au plat du jour" qui a eu lieu à Berne en février 2020. Au-delà de cette conférence, elles s'engagent sur le thème des conditions de travail dans l'agriculture. <www.widerstand-am-tellerrand.ch>
1. Lebensmittel Zeitung, 09.04.2020.
2. Ulrich Brand/Markus Wissen (2017): Imperiale Lebensweise. Sur l'exploitation de l'homme et de la nature dans le capitalisme mondial. Munich : Oekom Verlag.
3. Rapport agricole 2019.
4. NZZ, 4.4.2020, "Landwirtschaft am Limit: Wie zwei Zürcher Bauernfamilien mit der Corona-Krise ringen".
5. Rapport agricole 2019.
6. Tagesanzeiger, 14.4.2020, "Gestrandet im Mittelmeer".
7. Schweizer Illustrierte, 2.4.2020, "Guy Parmelin über Corona und die Wirtschaft".
8. https://go.coople.com/obst-und-gemuese
9. Aargauer Zeitung, 8.4.2020, "Von der Restaurantküche raus aufs Lauchfeld".
10. Tagesanzeiger, 1.4.2020, "Alle wollen den Bauern helfen".
11. Landwirtschaft mit Zukunft ist…
17 avril 2020 et première analyse COVID-19
La Via Campesina appelle à la mobilisation le 17 avril 2020
La Coordination Européenne livre une première analyse sur le COVID-19